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Le jo de l'Aïkido : combat rituel ou de survie ?

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Jodo - Shimizu senseï 

Aïkijo : une histoire de contexte
Le sujet des armes ayant été traité de manière générique à travers le thème « Aïkiken », il s'agit maintenant de détailler les différences entre le jo et le bokken.
On constate souvent qu'une majorité de pratiquants a une affinité particulière pour le jo. L'arme semble facile à manipuler, elle glisse dans la main et offre de multiples possibilités. À ce titre, n'oublions pas que quand on peut tout faire, ou presque, on finit souvent par faire n'importe quoi.
Par ailleurs, au contraire du ken, le jo représente un certain potentiel applicatif : aujourd'hui, on a plus de chance d'avoir à utiliser un bâton pour se défendre qu'un sabre…

Différence de forme, différence de manipulation
Il est à peu près évident que chaque outil se manipule différemment. On ne se sert pas d'un couteau comme on utilise un marteau et par voie de conséquence on ne tient pas un sabre comme on tient une hache par exemple. Tout comme le sabre, le jo est une arme dite « longue ». Pour autant, les deux ne se manipulent pas de la même manière. En Aïkido, on utilise principalement le jo pour effectuer des tsukis (coups d'estoc). C'est pédagogiquement aisé à mettre en place. A contrario, le bokken est devenu l'arme de prédilection du travail de la coupe (coups de taille). Cela semble évident : avec 70 cm de lame de rasoir on a plus spontanément l'idée de couper que de piquer.

Toutefois, il ne faut pas oublier que le jo peut « couper » (à proprement parler il s'agit d'une frappe ayant la trajectoire d'une coupe) avec sa « lame », terme définissant les arêtes à chacune de ses extrémités. De son côté, le ken peut également piquer. En atteste le grand adepte du sabre, Yamaoka Tesshu, dont le tsuki était le coup favori et auquel il s’entraînait quotidiennement. Ainsi, les frontières ne sont pas si fortement marquées, mais nous pouvons garder à l'esprit qu'en ce qui concerne l'Aïkido, en général, le bokken coupe et le jo pique.

Cette différence d'utilisation implique deux géométries du conflit opposées. De là peut découler la considération suivante : le jo est apparenté à une arme de combat rituel et le bokken à une arme de combat de survie.

Mais avant de développer ce fil de pensée, détaillons ces deux types d'affrontement...


Le Sumo - un exemple de combat rituel 
Combat rituel
Le combat rituel est généralement défini comme un combat entre deux membres d'une même espèce animale. Il s'agit, le plus souvent, de deux mâles qui se battent pour l'accès à une ressource vitale (nourriture, territoire, reproduction, etc.). Le combat est alors accepté, souhaité même. Le but du combat rituel est de gagner (aux yeux des autres notamment) et non de détruire. Si l'un des deux protagonistes tue son adversaire de manière intentionnelle et non accidentelle, il arrive qu'il soit exclu du groupe (ce qui dans la nature peut signifier la mort). Par exemple, deux cerfs qui s'affrontent entrechoquent leurs bois de manière frontale. Ils se mesurent, mais ne cherchent pas à se blesser. En revanche, s'ils doivent anéantir un autre animal, ils ne l'attaqueront pas de manière frontale, mais sur les flancs pour causer de plus forts dégâts.

Ainsi, les mammifères ont de très fort freins les empêchant d’occire un membre de leur espèce. Il semblerait même que les animaux ayant le plus fort potentiel destructeur, tels que les félins, possèdent les freins les plus puissants.
En somme, le combat rituel, c'est l'opposition avec des règles implicites ou explicites. Les sports de combat en sont un exemple : un lieu clos, une date, des règles, une durée, un adversaire ayant les mêmes caractéristiques, un public.
Ce genre d'affrontement est à la fois horizontal dans sa forme technique (on se repousse), mais aussi dans sa forme symbolique (deux membres d'une même espèce).

[On notera que le combat rituel intervient entre des individus aux profils similaires : s'ils se ressemblent c'est qu'ils ont besoin d'avoir accès aux mêmes ressources. Par extension, s'ils se ressemblent, ils doivent se combattre. Cela peut expliquer que deux personnes en apparence très proches et qui auraient « toutes les raisons de s'entendre » peuvent s'insupporter : dans la nature, ils auraient probablement à s'affronter pour accéder aux ressources vitales dont ils ont besoin.]

Combat de survie
À l'opposé, le combat de survie concerne deux individus de deux espèces différentes. Le but de cet affrontement est de détruire, ou de survivre, et non de gagner. L'exemple le plus courant est celui de la chasse. Il s'agit donc d'un combat non souhaité, refusé même. Si l'on transfère ce type de conflit à la self-defense l'opposant n'est plus ici considéré comme un agresseur (comme c'est le cas dans le combat rituel), mais comme un prédateur. Dans le combat de survie, l'objet de l'affrontement n'est plus une ressource extérieure, mais c'est l'individu lui-même.

Il n'y a pas de règles, pas de date, pas de lieu clos, pas de durée, pas d'égalité (de compétence ou de nombre). Tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. C'est un affrontement asymétrique.
Ici le combat est vertical au niveau technique (l'animal « fond » sur sa proie, essentiellement par dessus), mais aussi au niveau symbolique (agression entre deux espèces différentes).
On comprend aisément que ces deux contextes peuvent impliquer des solutions diamétralement opposées. Survivre ou gagner, cela n'a rien à voir !

Dans le cas de l'être humain
L'espèce humaine emploie le combat rituel, au même titre que d'autres espèces de mammifères. La boxe ou la lutte en sont les exemples les plus courants.
Mais nous employons également le combat de survie, entre nous, alors que théoriquement ce type d'affrontement est inter-espèces. La guerre en est l'exemple le plus évident. 
Cette double possibilité (conflit rituel ou combat de survie) crée une distorsion. Même si la boxe ou la lutte peuvent être extrêmement dangereuses, létales mêmes, il serait hasardeux de s'appuyer sur ces pratiques lors d'un combat à mort avec armes blanches.
Malheureusement, c'est ce qu'on a tendance à faire : étudier les arts martiaux (survie) comme si l'on pratiquait les sports de combat (rituel).
Et cela décrédibilise fortement les arts martiaux. D'autant plus qu'il est rare de pouvoir faire le test inverse et de placer des combattants de sports de combat dans une situation de guerre. L'expérience a pourtant déjà été tentée. Dans le cadre de combats de survie des Marines Américains ont mis hors d'état de nuire des champions de l'UFC en quelques secondes… Il est probable qu'au sein d'une cage de MMA ces mêmes combattants auraient eu l'avantage sur les Marines.

Changement de contexte inopiné
Il ne faut donc pas se tromper de contexte et être bien conscient lorsqu'on effectue un passage de l'un à l'autre.
À titre d'exemple, ce basculement du combat de survie vers le combat rituel se produit en Aïkido de manière très basique lorsque l'« on n'ose pas ».
Il s'agit de cette tendance, inconsciente, à ralentir le mouvement ou à le rendre grossièrement perceptible (notamment en ce qui concerne les attaques), afin de donner à l'autre l'opportunité d'esquiver ou de bloquer. Cela permet (inconsciemment toujours) de rentrer dans un échange musculaire où les deux protagonistes peuvent se « mesurer ». Lorsqu'un pratiquant en bloque un autre, on est en plein combat rituel : il s'agit de savoir qui est le plus fort, dans un contexte figé.
Le contexte rituel servant à repérer le plus fort physiquement, il est évident que le pratiquant le plus faible physiquement n'a aucune chance de vaincre (sauf à basculer en « mode survie », mais il s'agit d'une autre histoire).
Malheureusement c'est souvent ce qui se passe en Aïkido : on commence dans un contexte de survie et l'on termine dans un cadre rituel. Dans une telle situation, l'art ne peut plus tenir ses promesses et l'on en vient à dire que l'Aïkido n'est pas fait pour le combat ! Techniquement parlant c'est fait pour le combat, le combat à mort même, mais ce n'est pas fait pour gagner. Encore une fois, gagner ou ne pas perdre c'est différent. Cela reviendrait à dire : « Ta visseuse électrique ne fonctionne pas pour enfoncer mes clous… Même en tapant fort ! Mon marteau est plus efficace ! ». Que répondre à cela ?



Jo et bokken : Rituel et survie
Ce mélange des contextes est également présent en ce qui concerne les armes.
Comme nous l'avons vu, le jo est principalement utilisé en Aïkido pour effectuer des tsukis. Cela correspond à une trajectoire horizontale. En cela on pourrait rapprocher le jo d'une idée de combat rituel (comme on peut en rencontrer dans certaines ethnies africaines).
À l'opposé, le bokken est plus souvent employé pour étudier les coupes, majoritairement descendantes. Cette idée d'une attaque venant fondre sur la victime, par dessus, correspond au combat de survie.

On notera que d'un point de vue technique, effectuer une trajectoire horizontale, comme repousser par exemple, est relativement aisé à mettre en place car cela va dans le sens du déplacement vers la cible. A contrario, effectuer une coupe (mouvement descendant) et simultanément déplacer son corps horizontalement est plus complexe à mettre en œuvre et nécessite une dissociation haut/bas plus importante.
Ces deux remarques sont bien évidemment à prendre en compte dans le cas où la main, ou l'arme, arrivent à la cible avant que le corps n'ait terminé son déplacement. C'est la notion de ki-ken-taï. Sinon, se positionner puis frapper ou couper est moins complexe à mettre en place. Mais moins efficace puisqu'on est déjà à une distance où l'on peut être touché.

Complexité versus simplicité
Ainsi, il semble que les éléments d'attaque du combat de survie soient plus complexes à mettre en place que ceux du combat rituel. De fait, ils sont également plus complexes à déjouer : éviter une coupe (trajectoire représentant un plan) est plus difficile qu'éviter une pique (trajectoire représentant un point).
L'idée n'est pas de dire que tel type d'attaque est meilleur qu'un autre ; toute attaque effectuée correctement est dangereuse. Il s'agit simplement de bien comprendre chaque contexte et de ne pas effectuer de mélanges douteux.
Ce sentiment, que le bokken symbolise le combat de survie et que le jo représente le combat rituel, est accentué par le fait que le bokken est une représentation de l'arme véritable (censée être plus dangereuse), alors que le jo est l'arme véritable…
Mais, encore une fois, les choses ne sont pas si « tranchées ». Des bretteurs, tels que Myamoto Musashi remportèrent moult combats à mort avec un sabre de bois.
Et d'autre part si le jo (en bois) doit pouvoir faire face à un sabre (en métal) c'est qu'il doit aussi pouvoir s'utiliser de manière mortelle. Ainsi, selon la manière dont on l'emploie, le jo peut être une arme de combat de survie. D'autant plus si l'on développe l'idée que l'Aïkijo dérive non seulement du bâton mais aussi de la lance (yari) et de la baïonette (juken)…

[Je laisserai de côté le fait que Moriheï Ueshiba utilisait aussi un bâton de prière shinto (nobuko) un peu plus long que le jo (1m52 à la place de 1m28), afin de ne pas complexifier le propos. Pour notre part, nous pourrions utiliser tous types de bâtons, mais il est très probable que nous utilisions le jo parce qu'il est aisé de s'en procurer et qu'on le transporte plus facilement qu'une lance, une baïonnette ou un nobuko].

Finalement, l'outil est neutre. En revanche, ses caractéristiques orientent le pratiquant vers un état d'esprit ou un autre. Après tout, on a coutume de dire que ce n'est pas l'arme qui est dangereuse, mais la personne qui sait s'en servir. On pourrait conclure en disant : « l'habit ne fait pas le moine, mais l'habit aide le moine à se faire ».

Épilogue : et le Shiatsu ?
Le contexte est également primordial en ce qui concerne le Shiatsu. Historiquement on ne parlait pas de Shiatsu, mais de « Do in Ankyo » et de massage « Anma ». Le massage n'était qu'une partie d'une étude plus vaste qui comprenait une pratique individuelle apparentée au Do in (auto-massages) et au Qi gong (pratique respiratoire, entre autres).
Cela change beaucoup de choses, parce qu'une pratique de santé personnelle et régulière permet d'éviter, ou de réduire, un grand nombre de troubles. Le praticien n'intervient alors que dans les cas les plus pointus.
D'autre part, jusqu'à récemment, le massage était perçu comme une pratique culturelle. À ce tire les Shiatsuki rencontraient régulièrement leur patient et ainsi pouvait obtenir d'importants résultats s'inscrivant dans la durée.

Actuellement, cela est difficilement possible pour différentes raisons. D'abord, les patients n'ont plus le temps pour cela. Ensuite, les séances représentent des coûts trop importants pour être effectuées par exemple hebdomadairement pendant des années. Et enfin, des résultats définitifs sont souvent attendus dès la première séance ! Bien sûr que l'on peut obtenir des résultats extraordinaires en 5 minutes ! Mais les tensions ancrées plus profondément nécessiteront peut-être plus de temps pour se résorber.

À l'instar de beaucoup de disciplines dites traditionnelles, les résultats sont à la hauteur de l'investissement de l'individu...


Un point c'est tout !

« Le palais central » alias Poumon n°1, est le premier point du méridien du poumon. Il est situé sous la deuxième côté, un pouce sous la clavicule. Ce point est également un point « hérault » ou point d'alarme qui permet de diagnostiquer et de traiter une affection aiguë. On l'emploie notamment pour traiter les crises d'asthme. Il calme la toux et disperse les tensions thoraciques. 







Cet Article est paru dans Dragon Aïkido n° 13 "Aïkijo : le bâton de l'Aïkido".



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